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Opération extérieure au Mali et au Sahel (Lettre ouverte)

Collectif

mercredi 2 mars 2022, par Groupe Afrique

Il est peu de dire notre étonnement, pour ne pas dire notre indignation, à l’écoute de l’intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale, le 22 février dernier, concernant les suites de l’opération militaire française (Barkhane) au Mali et au Sahel.

https://youtu.be/tbwOoMc2Fw0

Les contradictions qui s’y manifestent semblent montrer que le positionnement de votre organisation sur la question de la décolonisation en Afrique subsaharienne n’est pas sûr ni fiable. Ce dont peuvent profiter les droites de toutes natures, surtout en cette période électorale si défavorable aux gauches. Car en quoi ce positionnement se démarque t’il du discours néo-colonial quasiment consensuel dans la classe politique, sauf exceptions louables ?
Tout d’abord les origines de cette opération militaire  : pourquoi accréditer l’idée qu’elle aurait été demandée par le gouvernement malien de l’époque, au regard d’un danger imminent ?
La responsable altermondialiste, Aminata Traoré, dont cette interview récente, « Mali, vers la fin de la Françafrique ? » est très instructive sur les tenants et les aboutissants d’une décennie de manipulations stratégiques sur fond d’intérêts impérialistes https://www.youtube.com/watch?v=7lWvOLJGxGY
apporte cette précision :
"La demande portait sur un appui aérien et un renseignement qui n’a rien à voir avec un déploiement de troupes au sol. La partie malienne n’a jamais eu son mot à dire."

Par ailleurs, vos critiques de la junte militaire en poste actuellement à Bamako l’emportent nettement sur celles qui doivent prévaloir de la part d’un parti d’opposition progressiste, à l’égard de la politique menée par son propre pays. Pays dont la responsabilité dans les passifs néocoloniaux en Afrique subsaharienne n’est plus à démontrer. Pays dont la présidence actuelle, celle d’E Macron, est au pouvoir avec 44% de votes favorables des électeurs inscrits (résultats de l’élection de 2017), ce qui est loin, comme vous le savez, d’être un modèle de démocratie représentative.
Enfin, un soutien aussi affiché de l’armée française ne peut avoir qu’une motivation électoraliste, en plus d’être d’un nationalisme confondant. Déplorer 54 morts nationaux est légitime, mais oublier les milliers de morts maliens dont ceux des soldats de ce pays, qui ont combattu le terrorisme islamiste à leurs côtés, est une faute.

A notre avis, un discours d’opposition progressiste digne de ce nom doit répondre à des principes d’autonomie à l’égard des pouvoirs dominants et de solidarité à l’égard des peuples. Et, en l’occurrence prendre acte de l’évolution du rapport des forces en faveur du peuple malien et de ceux du Sahel.
 L’ingérence du gouvernement Macron, spécialement de son ministre Le Drian, dans les affaires intérieures du Mali et en l’occurrence à propos de la feuille de route, en particulier électorale, de la junte au pouvoir, a été justement sanctionnée par le renvoi de notre ambassade
-Le retrait de l’armée française du Mali consacre une décennie d’échecs à combattre valablement le terrorisme islamiste et à aider les forces progressistes maliennes à consolider l’édifice démocratique. De nombreux observateurs y ont vu une stratégie d’occupation du terrain pour des visées peu avouables, aux plans stratégique et économique
-Ce retrait est à mettre à l’actif des mobilisations des populations et des jeunes qui subissent en première ligne cette occupation devenue parasite, et dont la part de responsabilité dans l’instabilité politique des dernières années est plus que probable
 Demande doit être faite au gouvernement français d’arrêter de manipuler la CEDEAO, avec l’appui de ses relais dans les pouvoirs néocoloniaux d’Afrique, dans le sens de sanctionner le gouvernement actuel à Bamako.
 Demande d’une commission d’enquête parlementaire sur le bilan des différentes opérations extérieures depuis deux décennies (Licorne en Côte d’Ivoire, Serval au Mali, Barkhane au Sahel, opération en Centrafrique…) et leur arrêt souhaitable
 C’est une occasion de faire valoir auprès de l’électorat français et spécialement dans le mouvement social, les différents combats menés dans les pays subsahariens en faveur d’une décolonisation et d’une deuxième indépendance. Aux plans militaire et monétaire en premier lieu, le rejet populaire du franc CFA s’ajoutant à celui des opérations extérieures.
 Il serait hautement souhaitable que la France insoumise participe de cette mobilisation nécessaire, pour les intérêts bien compris du peuple français qui subit indirectement le talon de fer de la françafrique, au regard des nombreuses régressions des libertés publiques et des droits sociaux, pourtant acquis de haute lutte en d’autres temps.

A l’heure où la guerre sur le front ukrainien ne fait qu’assombrir un panorama déjà sinistré, il serait bienvenu de constituer un contrefeu d’envergure au plan géo-politique. À savoir tracer les voies d’une paix et d’une coopération durables, de concert avec les représentations authentiquement démocratiques des pays francophones.
Bien entendu, ces remarques et propositions ne revêtent pas un caractère politicien ni stérilement polémique, à l’égard du candidat que vous êtes à la présidence de la République. Certain.es des signataires ont des sympathies pour le programme de la France insoumise, que vous représentez.

Avec nos cordiales salutations,
Ce 27 février 2022

Signataires
Nils ANDERSSON ancien éditeur, spécialiste des questions géo-politiques
Saïd BOUAMAMA membre du FUIQP (Front uni de l’immigration et des quartiers populaires)
Martine BOUDET coordinatrice de l’ouvrage Résistances africaines à la domination néocoloniale (Le Croquant, 2021)
Pierre COURS-SALIES membre du Conseil scientifique d’Attac France et d’Ensemble !
Alexis CUKIER Attac, CGT, Rejoignons-nous
Christian DELARUE altermondialiste et antiraciste (Mrap)
Georges MENAHEM membre du Conseil scientifique d’Attac France
Marie-Paule MURAIL membre de la commission internationale (groupe Afrique) d’Attac France
Evelyne PERRIN présidente de Stop Précarité
Antoine RABADAN co-animateur du Collectif Afrique France de Montpellier, NPA
Catherine SAMARY membre du Conseil scientifique d’Attac France
Serge SENINSKY membre de la commission Migrations d’Attac France
Christiane VOLLAIRE membre du Conseil scientifique d’Attac France


Résistances africaines à la domination néocoloniale, Collectif, Le Croquant, 2021.
https://editions-croquant.org/actualite-politique-et-sociale/710-resistances-africaines.html

Mali : les « colonnes jihadistes fonçant sur Bamako » en 2013, une légende !
Jean-Dominique Merchet 12 février 2021
https://www.lopinion.fr/international/mali-les-colonnes-jihadistes-foncant-sur-bamako-en-2013-une-legende

Sanctions de la CEDEAO : le Mali saisit la cour de justice de l’UEMOA
https://www.ivoiresoir.net/sanctions-cedeao-le-mali-saisit-la-cour-de-justice-uemoa/?fbclid=IwAR0VcFURKS0VquKqMEn9_qNyqUPnuVjoYY1gNNtf25zjsvBUu0D3EQE0BMY

Ibrahima Thioub, universitaire sénégalais, Respect de la dignité des peuples et de la souveraineté des États africains (pétition)
https://www.change.org/p/citoyens-du-monde-respect-de-la-dignit%C3%A9-des-peuples-et-de-la-souverainet%C3%A9-des-%C3%A9tats-africains

Déclaration du CADTM Afrique relative aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA à l’égard du Mali
http://www.cadtm.org/Declaration-du-CADTM-Afrique-relative-aux-sanctions-de-la-CEDEAO-et-de-l-UEMOA

Vidéo de Saïd Bouamama, Que se passe t’il au Mali ?
https://www.youtube.com/watch?v=d9zv1A1m9Hc

Pour un front anti-autoritaire et altermondialiste
https://blogs.attac.org/groupe-afrique/article/pour-un-front-anti-autoritaire-et-altermondialiste

Pistes programmatiques relatives aux relations Nord-Sud et aux relations intercommunautaires
https://blogs.attac.org/groupe-afrique/article/pistes-programmatiques-relatives-aux-relations-nord-sud-et-aux-relations

Pour un renforcement des collaborations entre mouvement social, quartiers populaires et pays ex colonisés
https://blogs.attac.org/groupe-afrique/article/renforcement-des-collaborations-entre-mouvement-social-et-quartiers-populaires