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Consensus nationaliste et néocolonial, la rupture

Martine Boudet

lundi 23 mars 2015, par Groupe Afrique

Deux événements marquants de la période sont à corréler : le premier, surmédiatisé, celui de la progression électorale du Front national (FN), et le second, bien peu diffusé, celui de la condamnation de Simone Gbagbo, ancienne première dame de Côte d’Ivoire, à vingt ans de prison (le 10 mars).

Ce déséquilibre médiatique reflète celui de la vie politique : la banalisation des crimes néocoloniaux va de pair avec la promotion des forces réactionnaires en métropole.

Depuis la chute du mur de Berlin, des drames dans l’aire francophone sont survenus sans véritable prise de conscience des causes et des effets du néocolonialisme : génocide rwandais en 1994 dans lequel l’armée est impliquée, guerre civile en Côte d’Ivoire (de 2002 à 2010) alimentée de l’extérieur par l’Élysée et qui a mis un terme durable à l’espoir d’une ère plus autonome et progressiste dans la sous-région... L’impensé néocolonial rejoint l’impensé oligarchique : le système Sarkozy est l’émanation de cette dérive républicaine, qui s’enracine dans des logiques de domination interraciales (voir le discours de Dakar). Le dernier épisode en date est la mise en examen de Claude Guéant, ancien ministre de l’Intérieur, pour financement occulte de la campagne présidentielle de 2007 sur des fonds libyens. La justice parviendra-t-elle à passer ? Avec sa thèse du «  tous pourris  », le FN profite de cette manne, souvent laissée de côté par les gauches.

Non, le colonialisme n’est pas du passé, sa nocivité se perpétue tant avec la politique guerrière menée dans les pays du Sud sous l’ère Hollande-Fabius-Le Drian que par le maintien d’un racisme ordinaire en France. La mobilisation antiraciste ne peut en fait se cantonner à l’espace métropolitain, même incluant les banlieues, comme l’explique Saïd Bouamama. En l’absence de contrôle suffisant des politiques extérieures relevant d’enjeux stratégiques, le consensus nationaliste joue à plein, ciblant, pour se dédouaner ou par diversion, l’ennemi extérieur-intérieur djihadiste. Est ainsi dévoyé «  l’esprit du 11 janvier  », celui d’un meilleur vivre- ensemble. Du côté des banlieues, le complotisme est le refoulé politique de ressortissants dont l’expression citoyenne est bridée.

Pour parer à ces divisions, pour promouvoir les intérêts supérieurs du pays, il convient d’assumer sa multiculturalité et de revenir aux fondamentaux anti-impérialistes. Sur le modèle du meeting anti-islamophobe de Saint-Denis (6 mars), il reste à renforcer les passerelles entre les organisations du mouvement social, de l’immigration et des peuples. Émeutes anti-racistes de Ferguson, commémoration du cinquantenaire de la marche pour les droits civiques, sortie de Selma, film sur le combat de Martin Luther King, l’actualité nord-américaine fait écho aux mobilisations françaises et s’inscrit dans des évolutions multilatérales. Dans notre pays, pour faire barrage aux forces de la réaction, s’impose une rupture nette et franche du consensus nationaliste à l’égard des questions néocoloniales et oligarchiques. Il y va de la démocratisation des institutions (inter)nationales et tout simplement de la paix civile.

http://www.humanite.fr/consensus-nationaliste-et-neocolonial-la-rupture-568907
Vendredi, 20 Mars, 2015 L’Humanité