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Appel à l’audit et à l’abolition des dettes illégitimes

CADTM Afrique

samedi 6 novembre 2021, par Groupe Afrique

La troisième Université du Réseau CADTM Afrique (Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes) s’est tenue dans la ville de Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), du 28 au 30 octobre 2021 sous le thème : « L’impact des politiques financières européennes et des stratégies de coopération au développement sur le Sud et les alternatives possibles », en vue des audits citoyens des dettes publiques et l’abolition des dettes illégitimes.

Cette rencontre, destinée à la formation des membres du Réseau CADTM et tout-es les participant-e-s et sympathisant-e-s, a permis des échanges entre les soixante-dix (70) militantes et militants venu-e-s des douze (12) pays africains (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Cameroun, Gabon, Guinée Conakry, Mali, Maroc, Niger, Togo, Kenya et République démocratique du Congo).

Le mécanisme de la Dette comme système de transfert des richesses du Sud vers le Nord et ses conséquences sur la vie des peuples de notre continent dans le contexte actuel de la pandémie liée au COVID 19 ont été au centre des travaux de cette université.

Nous, mouvements sociaux réunis à cet effet à Kinshasa, en République démocratique du Congo, avons au cours de cette édition à traiter de plusieurs thèmes qui touchent les problèmes qui entravent le développement de l’Afrique. Ainsi, nous avons parlé des multiples aspects que prennent ces problèmes : la dette et ses effets en termes d’austérité et de surexploitation des ressources, les accords de partenariat économique, les partenariats public-privé, les dettes privées et le microcrédit, mais également des alternatives que nous devons mettre en œuvre, les perspectives féministes et populaires, l’audit citoyen de la dette. Les expériences de résistance des populations de la communauté d’Inga contre le projet de barrage « grand Inga » ont été exposées par leurs représentant·e·s. Ce projet les dépossède de leurs terres, de leurs bétails, de leurs activités agricoles, de leur pêche et de leurs identités culturelles. Ce projet contribuerait à l’augmentation de l’endettement du pays avec des effets de déplacement forcé des populations sur le moyen et le long-terme.

Nous réaffirmons la nécessité d’élargir le front social commun entre le Nord et le Sud

L’actualité et l’importance de ces problématiques, analysées en séances plénières d’une part et auprès du monde académique et parlementaire d’autre part, nous amènent à réaffirmer la nécessité d’élargir le front social commun entre le Nord et le Sud. La construction croissante de résistances et d’alternatives à travers les mouvements sociaux que nous représentons constitue, déjà aujourd’hui, et constituera à l’avenir, les forces nécessaires pour mettre au diapason dans un nouveau paradigme les logiques de dépendances dans lesquelles le système capitaliste et le système de la dette tentent de nous emprisonner.

En conséquence, nous, mouvements sociaux réunis durant ces trois jours, avons remarqué une fois encore :

 Qu’au-delà des effets d’annonce d’annulation de la dette par les pays dits développés et autres institutions de Bretton Woods, les encours actuels et le niveau d’évolution de l’endettement sur le continent et ailleurs laissent planer ou présager de gros risques de surendettement dans de nombreux pays africains au regard de la crise liée à la pandémie du COVID 19 ;
 Que les accords de libre-échange constituent des instruments en faveur des grandes puissances capitalistes et des multinationales du Nord et qu’à ce titre ils représentent des accords commerciaux néocoloniaux contre les peuples ;
-Que les Partenariats Public-Privé (PPP) ne sauraient apparaitre comme une alternative nécessaire et suffisante pour enclencher définitivement le développement en Afrique mais plutôt constituent la forme la plus achevée de maintien des peuples africains sous le joug de la dépendance, de l’endettement et de l’exploitation continue ;
-Que les luttes féministes face à la politique macroéconomique africaine sont des opportunités offertes par la crise de la dette pour corriger les défaillances actuelles ;
 Que l’économie politique de l’accumulation de la dette africaine à l’examen des relations de pouvoir dans la contraction de la dette n’a subi aucune variation avec les acteurs même si les jeux sont différents.

Pour l’ensemble des raisons susmentionnées, le réseau CADTM Afrique exige :
 L’arrêt et l’annulation des contrats de concession de nos États avec les multinationales ;
 L’arrêt du développement du projet « grand Inga » qui ne profite pas au peuple congolais et l’indemnisation des victimes de Inga 1 et 2 pour tous les préjudices sociaux et environnementaux qu’elles subissent ;
 L’arrêt de la vente des titres de dettes publiques sur les marchés financiers des pays les plus industrialisés aggravant la situation d’endettement des pays du Sud ;
 L’arrêt de l’émission d’euro-obligations que certains de nos États (le Cameroun, la RD Congo, la Côte d’Ivoire, etc.) sont en train d’effectuer sur le marché international des capitaux ;
 La renationalisation de toutes les sociétés d’État qui ont été privatisées sous la pression du FMI et la Banque mondiale et contre les intérêts des Africains ;
 La constitutionnalisation de la transformation locale de toutes les matières premières africaines ;
 La création d’une Banque du Sud pour mettre fin à la balkanisation monétaire africaine et l’atomisation ridicule des Banques centrales africaines ;
 L’arrêt immédiat de l’accaparement des terres et leur restitution ou des compensations justes et équitables, du pillage des ressources naturelles de la République démocratique du Congo et du continent africain ne profitant qu’à une élite locale et internationale ;
 La mise en place de politiques publiques sociales et environnementale basées sur la redistribution des richesses pour garantir la justice sociale et climatique ;
 Le respect des droits humains fondamentaux, aussi bien à travers le droit à la libre circulation et d’établissement des personnes, qu’à travers le droit à mener une vie digne ;
 La levée des brevets sur les vaccins, plus particulièrement ceux contre le covid-19, pour une vaccination universelle gratuite associée à une augmentation du budget alloué au secteur de la santé en personnel et infrastructures ;
 L’abolition de toutes les formes d’oppression (sociale, patriarcale, néocoloniale, politique, etc.) afin de promouvoir un développement autour des priorités et spécificités des peuples de l’Afrique ;
 La souveraineté économique, politique et alimentaire des peuples ;

Nous revendiquons aussi l’abolition des dettes privées illégitimes (microcrédit, dette étudiante, dette paysanne…).
Nous appuyons ces revendications par la mise en place d’audits citoyens de la dette extérieure et intérieure publique des États pour en déterminer les parts illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables et de procéder à leur abolition pure et simple.

En ce jour où s’ouvre le sommet du G20 en Italie avec, pour ordre du jour, la dette des pays du Sud, nous soutenons la position de l’annulation inconditionnelle des dettes et non des moratoires comme ils l’ont toujours souhaité. D’ailleurs, cette dette bilatérale ou multilatérale dont une grande partie est illégale et illégitime, ne représente en soi qu’une infime portion des capitaux de ces grandes puissances par rapport aux opérations de sauvetage des banques pendant la crise financière de 2010. L’annuler ne constitue qu’un acte de justice.

Concernant le sommet sur le climat-cop 26, à Glasgow en Écosse fin octobre 2021, l’Université du CADTM est de cœur avec tous les mouvements sociaux en contre-sommet. Cette 3e édition se déroule dans un pays dont la forêt équatoriale joue un rôle de régulateur important sur l’environnement mondial reconnu. C’est d’ailleurs le cas pour toutes les autres nations dont le rôle est prépondérant dans la stabilisation du climat. Nous exigeons à cet effet, une reconnaissance de ce rôle et la compensation équitablement (CF fonds climat) ;
Nous exigeons le respect des engagements des puissances polluantes pour la stabilisation du climat et le paiement de la dette écologique.
Nous, mouvements sociaux du Sud comme du Nord, nous nous engageons à poursuivre ce combat en développant notre solidarité pour que toutes nos luttes légitimes constituent les piliers du monde de demain.
Car pour nous,

Les participants à l’Université du CADTM Afrique, Kinshasa, Octobre 2021
UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE ET, À CET EFFET, NOUS NE DEVONS RIEN, NOUS NE PAIERONS RIEN.

Fait à Kinshasa, le 30 octobre 2021

Pour le Réseau CADTM AFRIQUE

https://attaccadtm-tg.org/3052-2/

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