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L’enjeu politique des migrations (contribution au débat)

François Mareschal

mardi 29 novembre 2016, par Martine Boudet

Le silence assourdissant d’Attac sur les questions de migration (pas un mot à ce sujet dans le texte d’orientation du dernier congrès) se justifie pour nombre de militants de deux façons.

La première raison évoquée est qu’Attac doit s’en tenir au cœur de sa vocation : dénoncer les aspects économiques et financiers de la mondialisation libérale ; et ne saurait prendre en charge l’ensemble de ses conséquences.

Réduire les migrations à une conséquence parmi d’autres de la mondialisation, peut apparaître légitime d’un point de vue théorique. Mais elles sont vécues par les populations d’accueil comme le problème essentiel, une question d’identité ainsi qu’en témoigne la montée des extrême-droites dans l’ensemble des pays du nord. Le subjectif l’emporte sur l’objectif. Et en tant que militants nous ne pouvons l’ignorer.

S’ajoute à cela qu’à moyen terme, sous la pression des catastrophes écologiques, ces migrations risquent d’aboutir à une véritable transhumance de l’espèce humaine, qui en remodèlerait toute l’histoire.

Autre raison évoquée pour justifier le mutisme de notre organisation : il existe bien d’autres organisations (RESF, CIMADE, GISTI) qui s’en occupent avec une compétence technique qui nous manque. Le caractère nécessaire et positif de ces organisations ne saurait être mis en doute. Il n’en reste pas moins qu’elles se situent essentiellement dans une perspective humanitaire et qu’un vide reste à combler : celui d’une analyse politique qui pose les problèmes des migrations en relation étroite avec les aspects marquants de la mondialisation libérale.

Pour établir cette corrélation et susciter un véritable débat politique, nous devons en préalable affirmer et justifier deux refus.

Refus d’abord de distinguer migrants économiques, réfugiés politiques et réfugiés écologiques : les facteurs qui les "fabriquent" sont étroitement mêlés et aussi le sort qui les attend : les réfugiés d’aujourd’hui seront les sans-papiers de demain. Ce 1er refus est nécessaire parce qu’il nous contraint à observer et analyser de près les relations nord-sud, le rôle des multinationales, la nature des guerres civiles, l’impact des catastrophes écologiques pour démontrer l’interdépendance de ces aspects de la globalisation sur le vécu de ceux qui sont contraints de partir.

Le second refus est celui d’un "souverainisme" qui infecte jusqu’à une partie de la gauche "radicale" et qui consiste à prôner le retour à l’Etat-Nation comme recours suprême contre la mondialisation. Dans cette vision politique, les frontières sont sacrées et la liberté de circulation et d’installation proscrites. La solution aux problèmes migratoires est alors recherchée dans la construction de murs et/ou le renvoi "sine die" à l’enrichissement des pays du sud.

Sur ce dernier point par lequel une gauche bien pensante élude le problème, il convient de rappeler certaines réalités. A l’échelle planétaire, les envois des migrants à leurs familles représentent dix fois les aides des états développés et deux fois les investissements directs privés. Ces aides et investissements finissent pour une bonne part dans les poches d’une élite indigène corrompue, tandis que les envois des migrants touchent directement les populations concernées ; en sorte que l’enrichissement des pays du sud dépend de leurs migrants dans les pays du nord.

Enfin et d’autre part, rappelons que tout projet de relocalisation, réindustrialisation et surtout reconversion de l’économie des pays du nord en fonction des impératifs écologiques, ne peut aboutir qu’avec une main d’œuvre jeune et dynamique dont ces pays ne disposent pas, compte tenu de leur situation démographique : les friches industrielles ou les déserts ruraux de la France profonde ne sauraient revivre qu’avec l’apport des migrants venus d’ailleurs.

Il nous faut donc réaffirmer le principe de liberté de circulation et d’installation comme bénéfique pour tous, dans le cadre d’un altermondialisme qui s’oppose aussi bien à la globalisation "libérale" qu’au repli "souverainiste".

Tout projet politique commence dans le refus et l’utopie.

CONTRIBUTION DE FRANCOIS MARESCHAL
A LA COMMISSION MIGRATIONS D’ATTAC DU 30/11/2016