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Interculturel et éducation

Martine Blanchard

samedi 29 mars 2014, par Martine Boudet

Dans un monde globalisé, la problématique de l’interculturel au sein de l’école concerne l’ensemble des élèves mais il sera question ici de l’interculturel en relation avec les enfants de migrants.
A l’exception des classes d’accueil pour les élèves récemment arrivés en France, l’enseignement en France ne prend pas en compte la diversité culturelle et linguistique des élèves et l’on peut dire comme Marie-Rose Moro que : « La diversité, pourtant bien plus forte que par le passé fait l’objet soit d’un déni soit d’un rejet actif sous la forme de discriminations ».


Déni de la diversité culturelle

Au nom de l’égalité de traitement de tous les élèves, les enseignants veulent ignorer l’origine de leurs parents. Ne pas reconnaître l’appartenance familiale des enfants, c’est nier le rôle de transmetteurs des parents. Devant cet effacement, l’enfant risque d’éprouver un sentiment de disqualification de ce qu’il est et de ce que lui transmettent ses parents.

Déni du bilinguisme ou du multilinguisme

De nombreux enseignants sont persuadés que le bilinguisme ou le multilinguisme des enfants de migrants sont à l’origine de leurs difficultés d’apprentissage et de leur échec scolaire. Certains d’entre eux conseillent aux parents de leur parler le français. Or ce sont des erreurs que contredisent toutes les études des linguistes et des psychologues.
L’acquisition simultanée de deux langues étrangères dans la petite enfance est un enrichissement sur le plan cognitif : elle permettra aux enfants de maîtriser plus facilement d’autres langues et de développer une faculté d’abstraction qui leur sera utile dans d’autres disciplines en particulier les mathématiques.
En parlant leur langue d’origine à leurs enfants, souvent les mères leur transmettent des contes. Or des études ont montré que la compréhension de récits oraux est un préalable nécessaire pour l’apprentissage de la lecture.
Les enfants auxquels les parents ont transmis leur langue et leur culture, ont une meilleure maîtrise du français et une meilleure réussite scolaire que les autres. La valorisation par les parents de leur langue et leur culture donne aux enfants une estime de soi qui leur permet d’aborder l’apprentissage du français sans se sentir infériorisés.
Plusieurs études montrent que les enfants de migrants qui réussissent à l’école présentent deux caractéristiques essentielles : d’une part, être bilingues ou avoir une représentation positive de leur langue maternelle, d’autre part avoir rencontré « un passeur » qui leur ait donné envie de s’approprier le monde français sans discréditer celui de leurs parents.
L’enseignement des langues et cultures d’origine à l’école (ELCO) est positif mais les points faibles de cet enseignement sont, d’une part qu’il est réservé exclusivement aux enfants de migrants et s’avère par là-même discriminatoire, et d’autre part, que les enseignants sont nommés par les ambassades des pays concernés ce qui pose dans certains cas le problème du respect de la laïcité.

Discriminations

Les enfants de migrants subissent souvent une double discrimination : discrimination sociale en raison de l’origine populaire de leur famille dans la majorité des cas et discrimination culturelle en raison de leur appartenance à une minorité culturelle qui n’est pas valorisée.
Toutefois, avec une origine socio-économique identique, les enfants de migrants ont un taux de réussite scolaire supérieur à celui des enfants autochtones parce qu’ils sont portés par le désir de réussite de leurs parents qui ont placé beaucoup d’espoir dans l’école.

Orientation scolaire

Selon une enquête de l’INED de 2010, les garçons originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et de Turquie sont plus souvent orientés vers les filières courtes de formation technologique que les enfants autochtones. Toutefois les filles ont un taux de réussite scolaire largement supérieur à celui des garçons.

Ségrégation scolaire

En raison de la ségrégation résidentielle, les enfants de migrants sont scolarisés dans des établissements scolaires où ils sont majoritairement représentés. Ces établissements, classés en Zones d’Education Prioritaire (ZEP), bénéficient de moyens supplémentaires mais les équipes enseignantes composées de jeunes professeurs souvent inexpérimentés manquent de stabilité pour entreprendre une action pédagogique sur le long terme.

DES PISTES POUR UNE EDUCATION INTERCULTURELLE A L’ECOLE
Former les enseignants à l’interculturel

Il est nécessaire de donner une formation interculturelle aux enseignants pour les faire changer leur regard, leur attitude et leurs pratiques. Cette formation doit comprendre des éléments théoriques et une réflexion personnelle sur leur propre expérience.

Associer les parents à l’éducation qui est donnée par l’école
Il faut informer les parents sur le système éducatif, avoir recours aux médiateurs interculturels s’ils ne parlent pas le français, les faire intervenir dans les classes pour transmettre des connaissances, les valoriser et montrer aux élèves que l’on a du respect pour eux.
Faire entrer la diversité dans les programmes et les activités pédagogiques
Pour être concret, nous citerons un exemple : dans les cours de français, certains enseignants demandent aux élèves de raconter l’histoire de leurs grands-parents ou de leurs parents, de dire pourquoi ils sont venus en France ou bien s’appuient sur la connaissance des élèves de leur langue maternelle pour faire un cours de grammaire comparée, de vocabulaire etc. Des recherches et une réflexion pourraient être menées sur ces pratiques et elles devraient être divulguées dans les formations pédagogiques des enseignants.

MARTINE BLANCHARD