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Crise politique : la démocratisation de l’Education nationale un recours (Martine Boudet)

samedi 8 juin 2013, par Commission Enseignement-Recherche

La « mal gestion » des ressources humaines

Les "affaires" qui défraient la chronique régulièrement incitent à la recherche des causes qui peuvent en être à l’origine. Comment expliquer par exemple que deux dirigeants du PS aient été investis, respectivement en tant que présidentiable et ministre, alors que des indices probants de leur défaillance permettaient d’éviter ou d’atténuer une chute programmée ?

A ce manque de discernement concernant le partage de responsabilités au sommet de l’Etat, s’ajoute une étrange distance à l’égard d’électorats naturels de la gauche. Entre autres catégories concernées, il faut noter le peu d’intérêt accordé à la condition enseignante et à celle des personnels d’éducation de manière générale. Des rapports émanant du Sénat, de la médiation de l’Education nationale, de la délégation ministérielle à la prévention de la violence scolaire ... concluent à l’accroissement des risques psycho-sociaux (RPS) dans le secondaire, et même dans le primaire dans les quartiers défavorisés.
Lors du débat sur la loi d’orientation, le peu de traitement de cette question traduit une appréciation réductrice des personnels, définis en termes de "moyens humains" (dixit le texte de loi). Des occasions ont été manquées jusqu’à présent, d’optimiser un lien de confiance, en particulier dans les directions suivantes :
- inviter les personnels à participer dans les établissements à la rentrée 2012, à la consultation sur l’Ecole et aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, avant d’entamer le processus législatif
- recadrer voire reconvertir les cadres administratifs peu soucieux d’accompagner les dynamiques de réforme et de faire remonter les innovations émanant du terrain
-renforcer les dispositifs de protection des personnels confrontés aux RPS.

En l’absence de quoi, l’objectif justement revendiqué d’octroyer aux élèves plus d’éducation risque de dériver vers une politique clientéliste. Dans le système actuel, la « réussite » scolaire profite souvent à des élites fascinées par leur carrière, au mépris du bien commun voire des lois. A contrario, l’esprit de l’Etat social auquel appartient l’Ecole exige de dépasser les intérêts individuels, les personnels étant les garants, comme les autres catégories de fonctionnaires, de l’intérêt général. Or, leurs missions sont handicapées par ces immobilismes institutionnels, que ne suffiront pas à résorber les moyens supplémentaires octroyés, si importants soient-ils. Ainsi, l’ambitieuse campagne de recrutement réussira-t-elle si l’attractivité des métiers n’est pas renforcée, d’autant que les parcours de carrière -sans parler des effectifs de classe, fréquemment surchargés- sont loin d’être avenants pour des diplômés de haut niveau ?

De la démocratisation de l’Ecole au service de la recomposition républicaine
Cette gestion problématique des ressources humaines tient à plusieurs facteurs bien connus : tradition centraliste autoritaire, massification des publics, affaiblissement de la militance pédagogique au fur et à mesure de l’essor d’une gestion technocratique de l’Ecole... Dans ces conditions, seule une dynamique institutionnelle d’envergure permettra de remobiliser les équipes et d’endiguer la déferlante des puissances financières et médiatiques qui caractérisent cette période de crise.
La poursuite de la refondation de l’Ecole et de l’Université conditionne donc l’assainissement de la vie socio-politique et la recomposition idéologique du pays. L’avenir dira quelle sera la teneur de la culture professionnelle commune que les Etablissements supérieurs de professorat et d’éducation (ESPE) auront à élaborer, celle aussi de l’enseignement de la morale laïque commandé par le ministère. D’une manière générale, l’équipe aux commandes doit s’appuyer sur les forces vives du pays, sachant que la réaction est aux aguets, ayant pour elle d’autres moyens que les services publics, pour tenter d’inverser l’orientation prise en mai 2012.

Rapport de Monique Sassier médiatrice de l’Education nationale, Les personnels de l’éducation face aux conflits (2012)
http://www.lesrisquesdumetier.fr/articles/monique-sassier-mediateur-de-l-education-nationale?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=lrdmDecembre

- Rapport de Brigitte Gonthier-Maurin sénatrice ( 2012), Le métier d’enseignant au coeur d’une ambition émancipatrice http://www.senat.fr/rap/r11-601/r11-601_mono.html

-Rapport d’Eric Debarbieux, délégué ministériel à la prévention de la violence scolaire
Le ras-le-bol des professeurs du premier degré (2012) http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2012/135_10.aspx

  Article de l’Autonome de solidarité, Violence scolaire et insécurité : le droit de retrait, un signal d’alarme des enseignants (2012)
http://www.autonome-solidarite.fr/articles/droit-de-retrait