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Refuser la transition vers le libéralisme autoritaire en France

mercredi 1er mai 2019, par Christian Delarue

Avec le néolibéralisme qui sévit en France sous la forme de la casse des conquêtes sociales au profit du 1 % et avec l’État d’urgence (dont la loi anticasseurs), on assiste à des ripostes populaires et, en retour, à une très forte montée de la répression policière et des pouvoirs des Préfets de la France de Macron. Elle atteint des sommets !

Cette répression s’exerce contre toute la contestation sociale et notamment contre les Gilets jaunes mais pas seulement car des syndicalistes, des étudiants, des secouristes, des journalistes sont réprimés. Et durement !

Nous nous rapprochons peu à peu (processus régressif) de la situation des dictatures sud-européennes — Portugal de Salazar, Espagne de Franco, Grèce des colonels — telles que décrites jadis par André & Francine Demichel... en 1973 (1), donc juste avant la vague de démocratisation qui débuta avec le Portugal où en 1974 la population renversa le régime dictatorial de Salazar et où, dans les mêmes années, la Grèce renversa la dictature des colonels et où l’Espagne, avec la mort de Franco, décida également d’instaurer une démocratie.

Notre démocratie se dégrade. Notre République aussi. Combien de blessé.e.s par des tirs d’armes mutilantes, combien de textes de lois, de déclarations gouvernementales, ces derniers mois, veulent seulement développer la peur de manifester ?

Sous les dictatures, « sale temps » pour les opposant.e.s, pour les syndicalistes, pour les journalistes, pour les étudiant.e.s qui contestent. La citoyenneté est réduite à un état de soumission qui exige de se taire et d’obéir mais aucunement de proposer et décider collectivement. La démocratie n’existe pas !

Nous sommes encore dans un État de droit et nous pouvons théoriquement nous exprimer librement (avec des réserves connues) mais sans pouvoir peser collectivement via des manifestations revendicatives de rue. On se tait au travail et on doit se taire encore hors travail ! C’est grave !

Alors mesurons bien — c’est important — que tout ceux et celles qui tiennent à un État de droit véritable (2) puissent le défendre encore pour tous et toutes, pour les nationaux ou les simples résidents, pour toutes les classes sociales, y compris contre leur propre opinion politique, que le gouvernement soit approuvé (pas de danger) ou surtout contesté. On doit pouvoir contester son propre gouvernement, surtout quand il mène des politiques de classe beaucoup trop destructrices des conquêtes sociales, lesquelles conquêtes ont servi et servent encore d’appuis sociaux au peuple-classe.

Nous avons conquis aussi en termes de droit toute une législation de plus en plus précise contre les discriminations de toutes sortes — la législation française a augmenté le nombre des critères discriminatoires interdits… — ce qui montre un progrès vers l’égalité mais ce progrès semble mal assuré dans les faits. Les principes de notre République — Liberté, Égalité, Fraternité (Adelphité) et Laïcité — semblent, dans leur application, à géométrie variable et c’est dangereux ! Plus de cohésion sociale et de solidarité semblent nécessaires à une « République du commun », loin des inégalités fortes et inacceptables, issues de la logique de concurrence généralisée en Europe, dite « concurrentialisme ».

Il y a un risque énorme, au plan des conséquences qui pourraient en être tirées, de voir en même temps d’une part les puissants de ce pays — les élites politiques, économiques et médiatiques — échapper à la justice totalement ou partiellement (sous-pénalisation) et d’autre part les citoyens des classes sociales modestes (personnes à fins de mois difficiles) ou des classes moyennes subir la répression policière et la sur-pénalisation.

1) Les dictatures européennes. André & Francine Demichel, PUF, 1973.

2) Certains (dont moi) furent des critiques — sous l’influence de la Théorie critique du droit (années 70 et début des années 80) — du droit conçu comme instance régulatrice avant de changer de façon de penser en considérant mieux l’importance de la défense des Droits humains (cf. Jacques Caillosse in Introduire au Droit). Voir la Note de lecture sur « L’État de droit » (PUF, 1987) (postée sur Mediapart plus tard).