Accueil > Commission démocratie > Expérimentations d’alternatives > Propositions de réformes institutionnelles pour une démocratie réelle

Propositions de réformes institutionnelles pour une démocratie réelle

Le débat dans Attac France : présentation ; liens internet ; autres textes éclairants

jeudi 23 février 2012, par Joël Martine

Cette note constitue une introduction, utile au titre de sensibilisation, aux débats actuels autour de la chambre des citoyens remplaçant le Sénat et à d’autres mesures (tirage au sort, conventions de citoyens, référendum révocatoire) ; indications bibliographiques internes et externes à Attac.

Le texte qui suit est un outil pédagogique utilisable par les militants d’Attac à l’intention des citoyens qui se mobilisent aujourd’hui pour la "démocratie réelle" : Indignés et autres. C’est une note de présentation résumant les propositions qui me semblent les plus novatrices sur la question des institutions de la démocratie, propositions émises au sein d’Attac principalement, et quelques autres. J’ai essayé de montrer de façon concise que ces propositions forment un tout qui est "opérationnel". Cette note ne présente que les propositions et non les analyses sur la crise de la démocratie qui justifient ces propositions. Enfin il faudrait aussi faire l’articulation avec les propositions de nouvelle constitution pour une « 6ème République » en débat dans les partis de gauche français.

No copyright : ce texte est fait pour circuler, vous pouvez en extraire des morceaux ou le modifier à votre guise. Il faudrait peut-être aussi le maquetter en moins compact, plus aéré.

Intervention à la réunion du 23/2/12 des Indignés de Marseille sur "Quelle constitution pour une démocratie réelle ?"

D ’abord un résumé des trouvailles les plus géniales des initiateurs du débat dans Attac :

Beaucoup de systèmes politiques actuels sont à deux chambres (= bicamérisme) : une assemblée législative (en France l’Assemblée Nationale) et un sénat. De par son mode d’élection indirect et son renouvellement par parties, le sénat est censé jouer un rôle de contrepoids, plus conservateur, vis-à-vis de l’assemblée législative, élue au suffrage direct donc plus sensible aux mouvements rapides de l’opinion. Or les militants d’Attac préconisent un Sénat constitué comme un échantillon représentatif de la population par tirage au sort (comme on fait pour les sondages, les sondages sérieux et honnêtes bien sûr !). Il aurait donc un rôle d’expression directe du peuple vis-à-vis de l’assemblée élue. C’est une combinaison des avantages démocratiques de l’élection et du tirage au sort, le beurre et l’argent du beurre ! D’un côté les députés de l’assemblée législative votent les lois et sont responsables devant leurs électeurs (donc on ne tire pas les lois à pile ou face !), et les électeurs sont responsables de leurs votes, de l’autre côté les sénateurs, échantillon représentatif des citoyens lambda, peuvent émettre un veto aux décisions de l’assemblée législative et peuvent aussi lancer des débats et émettre des préconisations générales, donc le sénat constitue un contrepoids et un garde-fou contre les dérives typiques des députés élus (électoralisme, démagogie corporatiste, batailles entre « écuries de course » pour la conquête des postes dans les partis, décisions selon les rapports de force à court terme, corruptibilité...). Etant tirés au sort mais volontaires pour accepter leur désignation, les sénateurs ne sont pas dépendants d’un électorat et peuvent s’élever à des considérations universelles et de long terme, tout en restant la voix directe de l’opinion populaire. Dans ce bicamérisme nettement plus démocratique que l’actuel, le sénat joue un rôle conservateur non pas des pouvoirs en place dans la société, mais de l’intérêt général, et de l’avenir, notamment de l’avenir écologique. (Bien sûr il faudrait aussi démocratiser l’Assemblée Nationale : plus de pouvoir face à l’exécutif, une représentation proportionnelle, etc.) D’autre part, les sénateurs lanceraient des « conférences de citoyens » par thèmes : un panel de citoyens constitué comme échantillon représentatif tiré au sort reçoit une formation de base et pluraliste sur un sujet, des moyens financiers et en temps pour auditer les experts officiels et non-officiels sur ce sujet, et enfin élabore un rapport public servant de base aux préconisations du Sénat ; le tout en étant rémunéré. D’ailleurs toutes les institutions, les pouvoirs locaux par exemple, devraient prendre l’habitude de convoquer des conférences de citoyens. Grâce à cette méthode les sénateurs se prononceraient en connaissance de cause, et l’opinion publique elle-même, en participant à ce débat, s’éduquerait, acquerrait un pouvoir d’expertise citoyenne. En cas de conflit durable entre le vote de l’assemblée législative et le veto du sénat, qui aurait le dernier mot ? Logiquement ce devrait être le pouvoir législatif, responsable devant les électeurs. Des militants proposent aussi la procédure du référendum révocatoire d’initiative populaire : si un certain nombre de citoyens le demandent on organise un scrutin sur un point précis, permettant au peuple d’exprimer son désaccord avec pour conséquence la révocation des élus et de nouvelles élections. Il ne s’agit pas d’un référendum qui se substituerait au débat parlementaire avec tous les risques de simplification démagogique, mais précisément d’une procédure permettant au peuple, quand il estime que sur une question importante ses élus ne le représentent plus, de les révoquer et de remettre en route le processus électoral. En somme, sénat tiré au sort + conférences de citoyens + référendum révocatoire sont des moyens à la fois de construire une opinion publique populaire et d’empêcher l’autonomisation de l’assemblée élue vis-à-vis du peuple … tout en reconnaissant aux électeurs, aux élus de l’assemblée législative, et aux partis ou autres regroupements politiques leur fonction constructive et responsabilisante dans les décisions législatives.

J’ajoute à tout cela une idée qui vient des écologistes Bourg et Whiteside (voir plus bas) : tout ce processus pourrait être guidé et dynamisé par des objectifs constitutionnels, c’est-à-dire l’inscription dans la constitution de la visée d’objectifs tels que la soutenabilité écologique ou la mise en place de services publics. Et ces objectifs, même s’ils ne peuvent pas être formulés de façon précise donc contraignante, pourraient servir de base de légitimité aux vetos et aux préconisations du sénat.

Premier texte à lire :

http://local.attac.org/attac92/IMG/doc/QuelquesPistesReformes5.doc : Quelques pistes de réformes institutionnelles pour régénérer une démocratie chancelante, par Jean-Claude Bauduret et autres, 40 pages, résumé du débat et des propositions innovantes, par coupés-collés des textes principaux, avec liens internet. Thèmes : la non-démocratie des institutions actuelles ; le tirage au sort : utilité, mode d’emploi ; le bicamérisme ; les conférences de citoyens ; le référendum.
Ces textes résultent de discussions entre des adhérents d’ATTAC sur la liste « démocratie ». Ils ne représentent que l’opinion de leurs auteurs et ne peuvent pas être considérés comme des propositions d’ATTAC-France où ils sont, pour l’instant, en débat.

En complément à ces textes provenant d’Attac, j’ajoute quelques références :

1) Pour une approche de ces questions à partir des enjeux écologiques
voir Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Vers une démocratie écologique, Seuil, 2010. On trouve un résumé de ce livre sur http://www.reporterre.net//spip.php?article592 : cet article donne un bon aperçu de l’ouvrage en ce qui concerne l’analyse de la crise écologique et les fondements philosophiques de la démocratie moderne et de sa nécessaire transformation, mais il n’indique malheureusement pas précisément les solutions institutionnelles proposées par les auteurs dans les derniers chapitres du livre.

Comparés aux militants d’Attac, Bourg et Whiteside insistent plus sur l’intégration de la pensée scientifique dans le processus démocratique et sur la prise en compte des intérêts des générations futures. Les institutions qu’ils proposent ont beaucoup de points communs avec celles apparaissant dans le débat d’Attac, notamment sur le rôle d’un Sénat constitué par tirage au sort, et sur le recours aux conférences de citoyens. Une différence toutefois : le Sénat ne serait pas formé uniquement de citoyens lambda tirés au sort, mais en partie (en majorité, même) d’experts tirés au sort dans une liste proposée par des ONG environnementales ; donc Bourg et Whiteside accordent un rôle non seulement consultatif mais délibératif aux experts, ce qui est critiqué par les militants d’Attac.

2) Comme les enjeux actuels les plus décisifs, notamment écologiques, sont de dimension mondiale, la démocratie exige une réforme des institutions de gouvernance mondiale telles que l’ONU et les organismes qui en émanent. Pour de nombreuses idées innovantes et excellentes, voir la brochure Pour une gouvernance mondiale, de l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, coordonné par Pierre Calame, aux éditions de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme, 2003 : 36 propositions, 200 pages. Texte intégral :
http://www.world-governance.org/IMG/pdf_Calame_Pierre_Coord._-_Pour_une_gouvernance_mondiale_efficace_legitime_et_democratique.pdf .

3) La construction d’une démocratie réelle ne se pose bien sûr pas uniquement en termes de réformes institutionnelles, mais en rapport avec les mobilisations populaires, et l’auto-organisation dans la société civile, notamment par des formes de pouvoir collectif et d’autogestion dans l’économie. Voir à ce sujet surtout Yves Salesse, Réformes et révolution, éd. Agone, 2001, 200p.
Voir aussi Thomas Coutrot, Jalons vers un monde possible, Le Bord de l’Eau, 2010, 230p. ou Démocratie contre capitalisme, La Dispute, 2005. Enfin, en plus philosophique, Marc Fleurbaey, Capitalisme ou démocratie ? Grasset, 2006, 215p.

Joël Martine est militant d’Attac-Marseille : joel.martine@free.fr