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Aperçu des activités de genre au Forum social mondial de 2015

lundi 18 mai 2015, par Catherine Bloch London, Huayra Llanque

L’assemblée des femmes

L’assemblée des femmes était programmée pour le mardi 24 mars au matin, avant la manifestation d’entrée du FSM. Cette année elle était pleinement intégrée dans la programmation du FSM, et a bénéficié d’une aide logistique. Dans une dimension internationale, huit intervenantes de différents pays étaient prévues, afin de représenter les luttes de femmes dans plusieurs régions du monde (en Afrique, Amérique, Asie, Europe). Parmi elles, Itzel Gonzales notre camarade mexicaine avec qui nous avons fait équipe.

L’assemblée des femmes a été préparée de longues semaines en amont et nous avons assisté avec Itzel à la dernière réunion de calage des derniers points techniques. Dans les locaux de préparation du FSM à Tunis, beaucoup de jeunes échangeaient dans les couloirs ou se rendaient à des réunions. Nous y avons retrouvé les organisatrices de l’Assemblée des femmes, qui se rendaient à la réunion présidée par Ahlem Belhadj de l’ATFD, en présence d’une intervenante palestinienne, une représentante de la MMF, des camarades marocaines.

Les thématiques retenues par la dynamique femmes ont été rappelées :

  • la précarité, la féminisation de la pauvreté et les droits sociaux et économiques des femmes ;
  • le racisme et les formes d’exclusion ;
  • la part des femmes dans les richesses, les budgétisations et les endettements ;
  • la violence à l’égard des femmes et des petites filles lors des conflits et des affrontements terroristes ;
  • la participation politique des femmes et la démocratie.

Lors de l’assemblée des femmes qui a ouvert le forum le mardi matin, l’amphi était plein, moins qu’il y a 2 ans toutefois. Elle a été interrompue par des manifestations de femmes qui se sont hissées jusqu’à la tribune, en particulier pour faire entendre les revendications des peuples Sahraouis. Différents slogans se répondaient contre l’impérialisme ; en solidarité avec les femmes du monde entier, auxquels s’ajoutaient les sifflets et tambours de la marche mondiale des femmes.

L’objectif des organisatrices était de rassembler les femmes de toutes les régions, en s’informant sur les luttes localisées et en se retrouvant sur des revendications communes. Malheureusement beaucoup ont eu en sortant un sentiment amer de s’être trouvées privées d’un espace de parole et d’échange. L’ampleur et l’intensité des revendications ont explosé le cadre de l’Assemblée !

En tractant à travers l’amphi, Catherine a pourtant rencontré de nombreuses personnes en recherche d’échange et d’information, intéressées par les luttes des femmes au Mexique. Suite à l’Assemblée, plusieurs personnes sont venues voir Itzel pendant la durée du forum, intéressées par son témoignage.

Combattre les violences contre les femmes au travail

L’atelier « combattre les violences contre les femmes au travail » a été un succès. Organisé par Attac (commission genre), la CGT, La Red Mesa de Mujeres de Ciudad Juarez, Peuples Solidaires.

Une quarantaine de personnes y ont assisté.

Catherine a introduit l’atelier en présentant les différentes participantes et la perspective envisagée de se fédérer en réseau.

Sabine Reynosa, de la CGT avec qui nous avions préparé l’atelier a présenté une analyse de ces violences en montrant comment elles trouvent leur origine dans les rapports de domination femmes/hommes qu’elles entretiennent en retour et comment elles prolongent les violences que subissent les femmes dans la sphère privée. Elle a rappelé le rôle des syndicats qui doivent s’emparer de l’ensemble de ces questions.

Itzel Gonzales, la camarade de l’association Red Mujeres, de la ville de Ciudad Juarez , dans la zone franche mexicaine à la frontière des Etats-Unis, que nous avions invitée, a commencé par expliquer le contexte socio-économique de la zone franche : usines de composantes électroniques et de textile, main d’œuvre féminine jeune et souvent immigrée, habitat éloigné et insalubre, sans accès à l’eau potable, absence d’équipements sociaux : pas de centre de santé, pas de crèche une seule école bien trop petite. Elle a ensuite décrit les conditions de travail épouvantables auxquelles sont confrontées la main d’œuvre majoritairement composée de jeunes femmes, souvent immigrées et fréquemment des mères célibataires. Puis elle a expliqué comment, dans ce contexte renforcé par un machisme dominant, avaient éclaté les violences sexuelles contre les femmes, qui ont pris de multiples formes allant jusqu’au viol, à des tortures et des crimes. Elle a montré le lien qu’il y avait avec les violences actuelles au Mexique, liées au système généralisé de corruption, dont l’un des récents épisodes a été le meurtre de plusieurs dizaines d’étudiants dans l’état de Guerrero. Enfin, elle a conclu que face à l’absence de mobilisation initiée par des organisations syndicales ou politiques, ce sont des associations locales de femmes qui ont organisé la défense des femmes victimes de ces violences. L’exposé, très clair a beaucoup intéressé les participantEs, les tunisiennes notamment, dont une grande partie n’avait jamais entendu parler des maquiladoras.

Hayet Trabelsi secrétaire générale de la fédération des professions et des services au sein de l’Ugtt est intervenue brièvement. Elle est la première femme à occuper une fonction de responsable de fédération à l’UGTT. Elle a abordé les difficultés que rencontrent les femmes dans ces secteurs, l’absence de reconnaissance et la lutte pour leur dignité. Elle a expliqué que sa fédération avait cherché à mettre en place des moyens pour que les femmes qui subissent des violences puissent le faire savoir et que le syndicat s’en empare, les aide et riposte. Elle a très vite laissé la parole à une responsable du secteur bancaire qui a expliqué qu’en Tunisie les femmes subissaient des violences physiques, sexuelles, psychologiques mais aussi économiques : exploitation financière, privation d’argent, de besoins vitaux, contrôle de leur salaire, la vente des biens, le refus d’un soutien financier.

D’après elle, la violence contre les femmes en Tunisie a augmenté depuis la révolution, et touche tous les milieux, en particulier le milieu politique. La violence s’exerce contre les femmes syndiquées comme en témoignera ensuite une femme de ménage syndiquée qui s’est fait agressée dans une banque.

Elle rappelle un exemple symbolique qui a eu lieu après la révolution, en 2012, alors que le parti islamiste Ennahda a gagné les élections. Une femme a été violée par des policiers, et la réaction immédiate du ministère de l’intérieure a été d’accuser la victime d’avoir été surprise dans une situation indécente. Après avoir été violée, cette femme s’est retrouvée convoquée par un juge d’instruction pour atteinte à la pudeur. C’est grâce au courage de cette femme, et à une très grande mobilisation de la société civile tunisienne que le Président de la République s’est excusé officiellement au nom de l’état, et a promis que le second procès pour atteinte à la pudeur soit classé. Les policiers ont été condamnés à 6 ans de prison.

La violence s’exerce contre les femmes syndiquées comme en témoignera ensuite une femme de ménage syndiquée qui s’est fait agressée dans une banque. Dans le secteur privé et des services, les "nettoyeuses", les travailleuses des centres d’appels, ainsi que celles travaillant dans les entreprises du textile, sont les plus vulnérables compte-tenu de la précarité de l’emploi et l’absence de loi qui les protège des violences.

Dans les lieux de travail les femmes sont de plus en plus victimes de harcèlement, en particulier de la part des patrons : si elles n’acceptent pas leurs avances, elles sont sanctionnées, et même privées de salaire.

Enfin Marie-Odile Barbier de Peuples Solidaires a présenté les campagnes internationales de l’association, la plupart en commun avec d’autres associations. Cela s’inscrit dans la nouvelle orientation de Peuples Solidaires qui dédie l’un de ses axes d’actions aux luttes des femmes dans le monde.

La discussion a été très animée et a duré au-delà du temps prévu. Deux femmes africaines ont pris la parole, une béninoise Emilie Atchaca, militante du CADTM très combative et une juge du Burundi qui a surtout décrit les inégalités auxquelles étaient confrontées les femmes, en particulier en matière d’absence de transmission de la terre. De nombreuses femmes tunisiennes se sont exprimées, pas toujours sur le thème des violences au travail mais cet atelier représentait une tribune dont elles avaient besoin. Des militant(e)s de Peuples Solidaires sont également intervenus.

Huayra a conclu en rappelant que les féministes européennes cherchent toujours à appliquer la loi la plus favorable entre les pays, même si cela comporte des limites ; elle a insisté sur la nécessité d’organiser des réseaux militants internationaux, qui permettent de faire connaître, et renforcer les luttes des femmes, comme cela s’est passé au Mexique, où les femmes de Ciudad Juarez ont souligné l’importance de la solidarité internationale mise en place par des syndicalistes canadiennes.

L’atelier a donc été globalement un succès tant dans sa visibilité que par la diversité et la qualité des interventions, que par le débat qu’il a enclenché.

Nous n’en sommes toutefois pas du tout au stade de créer un réseau sur les combats contre les femmes au travail, même si nous allons développer les contacts avec les femmes syndicalistes de l’Ugtt et la camarade mexicaine avec laquelle nous avons décidé d’échanger régulièrement sur nos activités.

Aborder le thème des violences sexistes au travail, rarement posé comme un projet central, fait écho pour de nombreuses travailleuses et syndicalistes. Les échanges se sont poursuivis en dehors de l’atelier avec des travailleuses tunisiennes, marocaines, des syndicalistes algériennes.

Autres ateliers sur la question genre

Nous sommes intervenues dans un atelier organisé par l’AFTURD sur les droits économiques et sociaux. Un film a présenté le témoignage d’une jeune fille placée comme bonne à 5ans dans des conditions d’esclavage. Notre intervention a porté sur les droits des femmes en Europe, nombreux mais remis en cause par les politiques d’austérité. Des militants d’Artisans du monde ont fait une intervention sur les coopératives de femmes, suivie d’un montage diapo d’une expérience d’une femme marocaine qui est intervenue ensuite.

Atelier « Syndicalisme et luttes de femmes »

Proposé par l’Union syndicale Solidaires, co-organisé par : Fédération Syndicale Unitaire FSU, Centrale Nationale des Employés CNE, ATTAC France, Syndicat Général des Postes de l’UGTT.

Nous n’avons pas pu assister à l’atelier que nous co-organisions avec Solidaires sur syndicalisme et luttes de femmes car il avait été fixé en même temps que notre atelier sur les violences contre les femmes au travail, (et nous n’avons pas réussi à le bouger). D’après Muriel de Solidaires cela c’est très bien passé et les interventions de Monia et Sonia (les camarades licenciées de Latelec) ont été bien accueillies et le débat a été fructueux.

Atelier « Dégage micro-crédit ! Les femmes unissent leurs luttes, résistances et alternatives »

Nous avons réussi à assister à 2 autres ateliers sur le genre : celui du CADTM sur « Dégage micro-crédit ! Les femmes unissent leurs luttes, résistances et alternatives ». Leurs moyens sont sans commune mesure avec nous : c’était dans un amphi et il y avait des traducteurs en 3 langues. Mais il y a eu beaucoup dont les interventions de cadrage analytique faites par des hommes dont un indien et un malien, ce qui a laissé peu de temps aux discussions. La copine brésilienne de la MMF a opposé l’économie solidaire comme forme alternative collective à l’individualisme que représente le micro-crédit. Quant à la copine du CADTM Maroc, elle a montré comment les coopératives pouvaient être une solution alternative. Enfin Emilie Atchaca, du CADD du Bénin, a expliqué qu’en ayant démarré à une quarantaine de femmes, elles sont parvenues à construire un réseau regroupant 4000 femmes, à créer une banque solidaire et, notamment, une mutuelle de santé. Les femmes ont ainsi réussi à participer aux décisions de leurs instances locales.

Atelier « Guerres et violences contre les femmes »

Nous avons aussi assisté à un très bon atelier organisé par l’AFTD sur « guerres et violences contre les femmes » dans un amphi bondé, avec un exposé de cadrage très intéressant, riche et documenté sur les conséquences de la situation de guerre sur les femmes en Lybie, Syrie et en Egypte. Cela a été suivi de témoignages de femmes du Mozambique, et de Palestine notamment.